J’évoquais dans mon précédent post la montée en puissance
des candidats populistes dans les pays développés. La liste s’est récemment allongée avec
l’apparition de Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne. Un apôtre old-school de l’Etat-providence vient de
prendre la tête du parti travailliste au grand dam de Tony Blair. Ce qui saute
aux yeux quand on compare les programmes de tous ces candidats
anti-establishment, qu’ils soient de droite ou de gauche, c’est qu’il ne s’agit
que d’une variation autour d’un même thème : le réarmement du rôle de
l’Etat.
Quand Donald Trump, Nigel Farage ou Marine Le Pen promettent
de chasser les immigrés clandestins et de mettre fin à l’immigration, ils
répondent aux aspirations d’une partie de la population qui souhaitent un
retour des frontières. Quand Bernie Sanders et Jeremy Corbyn prônent un
renforcement de l’Etat-providence, il s’agit de revenir sur le démantèlement
des modèles sociaux survenu ces 30 dernières années (même Donald Trump évite
soigneusement de critiquer des programmes comme Medicare et Medicaid). A cela
viennent s’ajouter les promesses de mettre en place des mesures
protectionnistes, de faire revenir les usines parties en Chine, de contrôler la
finance,…
Le tableau général est assez clair : il s’agit ni plus
ni moins d’un appel à un Etat interventionniste et souverain. Ce qui est
intéressant, c’est que cet appel se fait par-delà le clivage droite/gauche, le
clivage étant plutôt élites et gens aisés contre candidats anti-système et
milieux peu aisés (y compris les jeunes). C’est donc là que se situe la
nouvelle fracture politique au sein des pays développés : les gagnants de
la mondialisation contre les perdants.
Cela rend de plus en plus le clivage droite / gauche
artificiel et reflétant mal les vraies lignes de fractures au sein des pays
développés. Il ne fait pas de doute que cette situation politique n’est pas
tenable et est annonciatrice de recompositions probables des partis politiques dans
les années à venir, soit sur le modèle de ce qu’a connu l’Angleterre des années
20-30 avec l’apparition du parti travailliste et la disparition du parti
libéral, soit sur celui de la révolution thatchérienne à la fin des années 70.
Il faut bien noter que le clivage qui se dessine entre souverainisme
et mondialisme est temporaire car il n’est pas stable. Une fois qu’un camp a
gagné, la situation est définitivement changée. L’opposition politique s’exprime
désormais le long de la ligne du camp qui a gagné (un peu sur l’exemple de Tony
Blair prenant acte des changements intervenus sous l’ère Thatcher).
Pour les pays de la zone euro, les contraintes inédites que
fait peser la monnaie unique sur la souveraineté des Etats laissent à penser que
la crise politique va s’exprimer de façon beaucoup plus profonde et violente
que dans les autres pays développés, comme l’illustre l’émergence du débat sur les fronts de libération nationaux. Il est d’ailleurs intéressant que ce soit
l’auteur de La démondialisation qui
ait lancé le débat.