lundi 14 septembre 2015

Etat, souveraineté et mondialisation



J’évoquais dans mon précédent post la montée en puissance des candidats populistes dans les pays développés.  La liste s’est récemment allongée avec l’apparition de Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne. Un apôtre old-school de l’Etat-providence vient de prendre la tête du parti travailliste au grand dam de Tony Blair. Ce qui saute aux yeux quand on compare les programmes de tous ces candidats anti-establishment, qu’ils soient de droite ou de gauche, c’est qu’il ne s’agit que d’une variation autour d’un même thème : le réarmement du rôle de l’Etat.

Quand Donald Trump, Nigel Farage ou Marine Le Pen promettent de chasser les immigrés clandestins et de mettre fin à l’immigration, ils répondent aux aspirations d’une partie de la population qui souhaitent un retour des frontières. Quand Bernie Sanders et Jeremy Corbyn prônent un renforcement de l’Etat-providence, il s’agit de revenir sur le démantèlement des modèles sociaux survenu ces 30 dernières années (même Donald Trump évite soigneusement de critiquer des programmes comme Medicare et Medicaid). A cela viennent s’ajouter les promesses de mettre en place des mesures protectionnistes, de faire revenir les usines parties en Chine, de contrôler la finance,…

Le tableau général est assez clair : il s’agit ni plus ni moins d’un appel à un Etat interventionniste et souverain. Ce qui est intéressant, c’est que cet appel se fait par-delà le clivage droite/gauche, le clivage étant plutôt élites et gens aisés contre candidats anti-système et milieux peu aisés (y compris les jeunes). C’est donc là que se situe la nouvelle fracture politique au sein des pays développés : les gagnants de la mondialisation contre les perdants.

Cela rend de plus en plus le clivage droite / gauche artificiel et reflétant mal les vraies lignes de fractures au sein des pays développés. Il ne fait pas de doute que cette situation politique n’est pas tenable et est annonciatrice de recompositions probables des partis politiques dans les années à venir, soit sur le modèle de ce qu’a connu l’Angleterre des années 20-30 avec l’apparition du parti travailliste et la disparition du parti libéral, soit sur celui de la révolution thatchérienne à la fin des années 70.

Il faut bien noter que le clivage qui se dessine entre souverainisme et mondialisme est temporaire car il n’est pas stable. Une fois qu’un camp a gagné, la situation est définitivement changée. L’opposition politique s’exprime désormais le long de la ligne du camp qui a gagné (un peu sur l’exemple de Tony Blair prenant acte des changements intervenus sous l’ère Thatcher).

Pour les pays de la zone euro, les contraintes inédites que fait peser la monnaie unique sur la souveraineté des Etats laissent à penser que la crise politique va s’exprimer de façon beaucoup plus profonde et violente que dans les autres pays développés, comme l’illustre l’émergence du débat sur les fronts de libération nationaux. Il est d’ailleurs intéressant que ce soit l’auteur de La démondialisation qui ait lancé le débat.